Saudade

Pour réaliser le projet, je pars du mot « saudade » : un mot en portugais généralement considéré comme l’un des plus difficiles à traduire. La saudade s’avère être non seulement un mot-clé dans la culture brésilienne, mais aussi un sentiment incontournable. Elle exprime un sentiment complexe où se mêlent mélancolie, nostalgie et espoir, un état d'esprit qui révèle une tension entre contraires : d'une part le sentiment d'un manque, d'autre part l'espoir et le désir de retrouver ce qui nous manque.
Certains ont essayé de traduire le mot, son sens par contre, reste toujours approximatif dans une autre langue que sa langue maternelle. Ainsi, je m’intéresse à la définition de saudade des brésiliens vivant en France. Les immigrants de cette communauté, quelle que soit leur condition sociale, coexistent quotidiennement avec la saudade de leur pays, leur famille et leurs racines. Cette distance physique, qu’au fil des années mène à l’existence d’une double appartenance sociale et culturelle, a déclenché plein des questionnements : quelles sont les conséquences matérielles, psychologiques et culturelles qu’entraînent un tel changement de territoire ? Comment nous nous intégrons dans une société qui est étrangère à la nôtre, sans s'acculturer complètement ? Que signifie ce sentiment de ne plus vraiment appartenir ni à ici, ni à là-bas ? 
Grâce à la photographie, je renoue le lien au-delà de l’Atlantique par une approche intimiste qui questionne la notion de frontière, de déracinement, d’intégration et de construction identitaire. De ce fait, j'aborde ces questionnements dans mon travail de manière sensible à travers des compositions en double exposition qui mettront en évidence les enjeux de cette double appartenance. L’intention est de créer des paysages mentaux et de fabriquer des souvenirs à partir des parcours individuels, qui renvoient finalement à une universalité, à un imaginaire collectif. Ainsi, à partir de leur définition de saudade, ce travail sera un essai visuel et écrit qui, incluant des témoignages et des archives personnels, souhaite représenter ce que j’ai l’habitude d’appeler la « demie-vie » du migrant.
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